Wednesday, February 06, 2008

Pas de magistrats dans les commissions du titre de séjour

La loi Hortefeux a supprimé les magistrats administratifs des commissions du titre de séjour. La raison, compréhensible, est d'éviter que le même magistrat exerce, dans une même affaire, des fonctions consultatives puis juridictionnelles: mais le même problème n'est-il pas évité pour de nombreuses autres commissions qui comprennent des magistrats ?

D'ailleurs, on aurait pu, dans ces commissions, remplacer les conseillers de TACAA par des magistrats ou quasi-magistrats pour lesquels on ne craignait pas de confusion des fonctions: magistrats judiciaires en activité ou honoraires, anciens conseillers de TACAA, magistrats financiers...

Le Syndicat de la juridiction administrative proteste. Je n'ai aucun avis sur l'intérêt de l'absence ou de la présence de magistrats dans ces commissions, mais la justification me semble, sinon fausse, du moins douteuse. Des magistrats de TACAA, ou des membres du Conseil d'Etat, ont-ils été entendus par les parlementaires, à qui ils auraient pu faire part des problèmes causés par un manque d'effectif dans les juridictions ou, au contraire, du bon fonctionnement des commissions actuelles ?


Séance du 4 octobre 2007 http://www.senat.fr/seances/s200710/s20071004/s20071004_mono.html :

« L'amendement n° 202, présenté par MM. Courtois, J. Gautier et Demuynck, est ainsi libellé :

Après l'article 5 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-1. - Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour composée :

« a) D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris ;

« b) De deux personnalités qualifiées désignées par le préfet ou, à Paris, le préfet de police ;

« Le président de la commission du titre de séjour est désigné, parmi ses membres, par le préfet ou, à Paris, le préfet de police.

« Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission peut être instituée dans un ou plusieurs arrondissements. »

La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Dans son actuelle rédaction, l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que, pour chaque département, la commission du titre de séjour est présidée par le président du tribunal administratif ou par un conseiller délégué.

Cette commission est amenée à donner son avis sur le refus de séjour ou le refus de renouvellement d'étrangers ; cet avis n'étant que consultatif, le préfet pourra être amené dans certains cas à prendre des décisions de refus de séjour. Ces dernières décisions sont susceptibles de faire l'objet de recours devant le tribunal administratif de la part de l'étranger, qui, le cas échéant, peuvent être confiés au magistrat ayant présidé la commission du titre de séjour ayant émis un avis.

Par conséquent, il est proposé d'alléger la composition de la commission, en n'y faisant plus figurer des membres qui pourraient avoir à intervenir dans la procédure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise essentiellement les magistrats de l'ordre administratif qui siègent dans les commissions du titre de séjour. Il n'est en effet pas souhaitable qu'ils puissent être amenés, dans l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles, à censurer des décisions administratives sur lesquelles ils auraient rendu un avis consultatif. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 202.
»

Amendement Mariani et HALDE

Je me limite à ce qui concerne les tests génétiques.

http://www.halde.fr/actualite-18/communiques-presse-98/maitrise-immigration-10979.html :
Délibération n°2007-370 du 17 décembre 2007 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

« L'objectif de la mesure tendant à palier les carences de l'état civil semble battu en brèche par le fait que c'est avec la
mère que sera établie la filiation
»

« De plus, cette procédure ne pourra être mise en oeuvre, en cas
dedécès de la mère, par un père, résidant régulièrement en France et
cherchant à faire venir son enfant sur le territoire français.
»

Ces points sont favorables à l'extension du champ des tests.

« La mise en oeuvre de cette procédure, porte une atteinte aux droits fondamentaux tels que le droit au respect de la vie privée de l'article 8 de la CEDH, les tests d'identification par empreintes génétiques étant réservés en France à des cas très spécifiques, notamment en matière de lutte contre le terrorisme et de délinquance sexuelle. »

la HALDE donne l'impression qu'en utilisant ces tests, on traite les étrangers comme les délinquants ! Mais les tests génétiques ne sont qu'un outil neutre (comme les papiers d'identité), déjà utilisé pour l'établissement de la filiation, en dehors du cas particulier du regroupement familial (art. 16-11 Code civil, créé par la loi 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain). Curieusement, la critique de la Halde (le « notamment » fait croire au lecteur que l'utilsiation des tests génétiques sert uniquement, ou quasi-exclusivement, en procédure pénale) fait écho à celle de Guy Carcassonne (Recueil Dalloz 2007 p. 2992): « comment faire coexister un droit français de la bioéthique qui, pour des raisons éthiques, refuse aux nationaux le recours aux tests ADN avec un droit des étrangers qui l’autorise ? Et que se passera-t-il si l’un des pays en cause interdit à ses ressortissants - comme la France elle-même le fait à l’égard des siens - le test ADN ? »

Au sujet des droits de l'enfant:

« Or, ici, l'atteinte à plusieurs droits fondamentaux »


Ces tests ne portent atteinte à aucun droit fondamental (sauf à l'égalité des sexes, mais cette considération va dans le sens de l'extension du champ d'application des tests).

« est liée aux carences de certains Etats, ce qui la rend par nature illégitime. »


"Ce qui" devrait indiquer un rapport de cause à effet, qui pourtant est absent ici.

La HALDE cite la Convention internationale des droits de l'enfant, à laquelle la loi est d'après elle contraire:

« Toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. »

C'est justement ce que fait la loi: créer une procédure pour faciliter les regroupements familiaux, aux frais de l'Etat, ce qui correspond au triple objectif d'esprit positif, d'humanité et de diligence. Sur le fond, tout ce qu'on peut lui reprocher, outre la discrimination entre les mères et les pères, c'est le risque que l'existence du test augmente les doutes pesant sur l'authenticité des documents.

Par contre, ce qui risque de poser des problèmes, c'est la procédure:

- si l'administration refuse de saisir le TGI de Nantes, le demandeur peut-il faire un recours pour excès de pouvoir contre ce refus? Ou contester le refus devant le juge judiciaire ? Ou bien attendre le refus de visa pour invoquer, dans sa demande d'annulation du refus, l'absence de saisine du TGI (l'administration semble être obligée de saisir ce TGI dès que le demandeur désire bénéficier du test génétique) ? D'ailleurs, pourquoi le juge doit-il être saisi par l'administration et non par le demandeur (lapsus révélant une intention cachée, ou erreur des rédacteurs sur l'objectif du test, qui est d'augmenter les possibilités de regroupement, et non de les diminuer ?)

- le TGI de Nantes pourrait estimer que les doutes ne sont pas réels, et qu'il n'y a pas lieu de faire le test, tandis que le jugeadministratif (saisi du recours postérieur contre le refus de visa) estimerait que les doutes sont réels et qu'en l'absence de test, le visa pouvait bien être refusé. Pourrait-on alors saisir le tribunal des conflits pour déni de justice (contrariété des décisions rendues par les deux ordres: art.1 L 20 avril 1932) ? (et étant donné la longueur des procédures devant les deux ordres, le droit à la vie familiale risquerait alors d'être privé d'effectivité).

http://dinersroom.free.fr/index.php?2007/09/15/639-la-preuve-genetique-de-la-filiation-au-secours-du-controle-de-l-immigration :

Serge Slama: « La compétence juridictionnelle n'est pas évidente puisque si le défaut de filiation biologique fonde le refus de visa de long séjour, c'est le CE qui est compétent - après saisine obligatoire de la Commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France.

Confronté à ce problème de détermination de la filiation le Conseil d'Etat pourrait renvoyer devant la juridiction judiciaire ou une juridiction étrangère ??

On peut imaginer aussi une procédure directement devant la juridiction judiciaire sur l'établissement de la paternité mais seront-elles compétentes pour établir l'état civil d'un étranger résidant à l'étranger?
»

Je suis tenté, pour la répartition entre les deux ordres en cas de refus de saisir le juge, de transposer CE 27 juillet 2005 N° 267084, mais il y a un problème: si, pour les tests génétiques, la compétence judiciaire est plus évidente (puisqu'il s'agit de saisir le juge judiciaire), la loi du 12 avril 2000 ne s'applique peut-être pas (puisque l'autorité compétente n'est pas une administration... et de plus l'administration consulaire, pour les tests, n'est pas incompétente, elle a une compétence qui se borne à transmettre):

« Considérant que Mme X a demandé au consul général de France à Alger de lui délivrer un certificat de nationalité française ; que le consul général de France à Alger, qui n'était pas compétent pour délivrer un tel certificat ni même pour instruire la demande de l'intéressée, est réputé avoir transmis cette demande, en vertu de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, à l'autorité administrative compétente, c'est-à-dire au greffier en chef du tribunal d'instance territorialement compétent ; qu'à l'issue du délai de deux mois courant à compter de la date de sa réception par le consul général, la demande de Mme X est réputée avoir été implicitement rejetée par l'autorité administrative compétente, en vertu des mêmes dispositions ; que la requête de Mme X doit être regardée comme dirigée contre cette dernière décision ;


Considérant, toutefois, qu'il n'appartient pas au juge administratif de connaître d'une requête telle que celle formée par Mme X, qui soulève une contestation relative à la nationalité de la demanderesse ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, les conclusions d'annulation de Mme X ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
»

- on m'a fait remarquer que le fait que le test soit volontaire et demandé par le représentant légal d'un mineur, ça pose un problème dans le cas où la qualité de représentant légal repose sur le lien de filiation… qui précisément est contesté par l’administration !

Des avis intéressants:
http://www.crackers.fr/2007/10/les-tests-adn.html
http://www.koztoujours.fr/?p=485
http://20minutes.bondyblog.fr/news/au-zenith-ils-se-levent-tous-contre-les-tests-adn#comment_74
http://gachetblog.typepad.fr/sanscomplexe/2007/10/tests-adn-deux-.html

Article de Wikipédia, à compléter :
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Loi_Hortefeux